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27 avril 2011 3 27 /04 /avril /2011 23:57

 

 

 

 

  

Telle est l'épreuve dans sa nature intime. Que sera, par rapport à nous, celle qui se prépare ? La foi, la raison, les

analogies de l'histoire donnent la même réponse.

 

L'avenir réservé à l'Europe, c'est une catastrophe, proportionnée au mal qui en est la cause et dont elle sera le châtiment. Politique, philosophie, littérature, arts, éducation, \industrie, danse, musique, le mal, sous le nom de lumières et de civilisation, a tout envahi. Il est partout, il est invétéré, il a résisté à   tous les remèdes. En portant aujourd'hui, à la face du soleil, une main sacrilège sur le Père du monde chrétien, il atteint   ses dernières limites. La société dans laquelle il s'est incarné, qui l'a fait l'âme de son âme, l'os de ses os, la chair de sa chair, a signé son arrêt de mort.

 

La catastrophe sera son tombeau  : son sort est écrit dans l'histoire. Jamais une société n'a rajeuni à plus forte raison un monde. La catastrophe du déluge n'a pas rajeuni le monde antédiluvien : elle l'a englouti. L'invasion des barbares n'a pas rajeuni le monde romain : elle l'a fait disparaître.  

 

Une grande ruine , voilà ce qui apparaît sur le premier plan du tableau. Pour la voir, il n'est pas besoin de télescope: l'oeil suffit. Mais derrière cette grande ruine qu'apercevez–vous ? Cher ami, je vous le disais en commençant : L'amitié   vous aveugle. Vous avez tort de vous adresser à moi. Je ne suis ni prophète ni fils de prophète. Pour vous répondre avec   assurance, il faudrait être l'un ou l'autre. L'avenir est le secret de Dieu. Lorsque nous voulons le sonder, nous entrons   forcément dans le domaine des conjectures. N'attendez donc de moi ni prophéties, ni quasi prophéties : de simples   conjectures, c'est tout ce que j'ai à vous offrir. Puisque vous y tenez, je vous en adresse quelques-unes. En attendant   une lumière plus sûre, puissent-elles éclairer un coin de cet avenir qui demain sera le présent ; de cet avenir plein d'espérance pour les uns, de terreur pour les autres, de mystère pour tous !

 

De deux choses l'une :

 

 

 

ou l'élément catholique qui, dans l'Europe entière, survivra à la catastrophe,

suffira  pour former à lui seul un nouvel ordre de choses 

 

 

 

Dans ce cas, l'épreuve sera suivie d'une époque de paix sociale et de triomphe pour l'Église. L'oeil de l'homme verra le plus consolant des miracles. La Révolution ayant accompli son oeuvre de   destruction, brisé, brûlé, égorgé, saccagé tout ce qui doit l'être ; ses fils eux-mêmes, s'étant, suivant leur coutume, dévorés les uns les autres : la crainte deviendra le commencement de la sagesse.

Moins coupables que les autres, les classes populaires qui, malgré leurs désordres et leur indifférence, ont conservé

les principes de la foi, se tourneront vers l'Église et la conjureront de les sauver . Ce sera l'aurore d'un monde nouveau.

  

 Alors, on verra que la Providence ne tâtonne jamais. On saura que ce n'est ni pour être des habitations désertes,

ni pour devenir des lieux profanes, que tant de milliers d'églises ont été réparées, agrandies ou construites depuis cinquante ans. A tous les yeux brillera la raison d'être de tant de corps religieux, sortis comme par miracle du sein d'une société profondément corrompue. L'activité inconnue du zèle catholique et ses créations merveilleuses s'expliqueront d'elles-mêmes. Les larmes amères de l'Église seront séchées, et ses longues douleurs compensées par des joies maternelles, au-dessus de toutes les joies.

 

Marie justifiera toutes les espérances du monde catholique. Victorieuse une fois de plus du serpent infernal,   elle dira pourquoi il a été réservé à notre siècle et non pas à un autre, d'ajouter à sa couronne le dernier   et le plus beau fleuron. Ainsi s'accompliront dans toute leur étendue, les magnifiques oracles des prophètes de l'Ancien et du

Nouveau Testament : oracles qui, au jugement de plusieurs, n'ont été jusqu'ici vérifiés que d'une manière incomplète.  Alors Dieu seul sera grand sur la terre. Alors Son Christ régnera de l'Orient au Couchant, comme Salomon, dates la plénitude de la paix. Alors il n'y aura qu'un seul bercail et un seul pasteur : unum ovile et unus Pastor.

      

     

Ou l'élément catholique qui restera en Europe sera trop faible, pour former à lui seul une nouvelle société.

 

 

Alors, si    l'Occident ne doit pas devenir une terre maudite et solitaire, comme la Judée, après le passage de Nabuchodonosor, un sang nouveau sera infusé dans les veines de ses rares habitants. L'Europe verra ce que disait Napoléon Ier. Sortis on ne sait d'où, conduits par quelques chefs improvisés, dont la Providence fait des héros, que l'histoire nomme Attila, Genseric, Tamerlan, et qui s'appellent, eux, courber la tête sous la main du catholicisme. De cet élément chrétien sortira une nouvelle Europe.

 

     

 

Si étrange qu'elle paraisse au premier coup d'oeil, cette solution n'excitera le sourire d'aucun esprit sérieux, En Orient, de mystérieux pressentiments l'annoncent ; en Occident, elle est la préoccupation des plus profonds penseurs, depuis plus de quatre-vingts ans. Le défaut d'espace m'empêche de vous citer les preuves.

Dans l'une et l'autre de ses parties, la disjonctive que je viens d'expliquer, suppose que l'humanité est loin d'avoir accompli ses destinées sur la terre. Si on admet, avec quelques-uns, que la fin des temps approche : voici ce qui nous attend.

Malgré l'épreuve, l'Europe ne se convertira pas. La Révolution triomphante continuera d'étendre ses conquêtes et

d'affermir son règne. La décomposition sociale, devenue plus profonde qu'aux jours du Bas-Empire, achèvera de faire du 18 monde moderne un  cadavre vivant.

Afin de maintenir en état d'agrégation les éléments sociaux, toujours prêts à se dissoudre, le despotisme le plus dur qu'on ait jamais vu, pèsera sur le monde.  La guerre de l'homme contre Dieu prendra des proportions de plus en plus générales. Cette guerre sera conduite par un nouvel empire antichrétien plus redoutable que ceux qui l'ont précédée.   Si l'hypothèse dans laquelle je raisonne est vraie, cet empire est déjà sorti du berceau. Permettez-moi, cher ami, de vous expliquer ma pensée. Vous savez qu'il est dans les destinées de l'Église d'avoir toujours en tête  du  grand empire ennemi.

 

 

La raison en est dans l'existence des deux cités, la Cité du bien et la Cité du mal, toutes deux impérissables. En descendant du Cénacle, l'Église, ou la Cité du bien, trouva l'empire romain, contre lequel elle eut à combattre pendant cinq ou six siècles. L'empire romain tombé, la lutte ne finit pas. Les membres, sanglants du colosse gisent encore sur le sol de l'Occident, qu'à l'extrémité de l'Orient s'élève un nouvel empire antichrétien, non moins étendu, non moins cruel et plus durable que celui des Césars. L'empire de Mahomet persécute l'Eglise, et la tient en échec pendant près de douze cents ans. Il est aujourd'hui dans les convulsions de l'agonie.

 

 

Si nous entrons dans la période des dernières luttes, l'Eglise, selon qu'il est divinement prédit, doit s'attendre, et nous

avec elle, à de nouveaux et plus terribles combats Excepté peut-être quelques trêves de courte durée et plus apparentes que réelles, la guerre continuera sur tous les points du globe, car l'Eglise ne cessera jamais d'être catholique. Elle deviendra de plus en plus acharnée, jusqu'à l'apparition de celui qui, en la personnifiant, sera la plus haute expression du mal, l'Antechrist par excellence. Son règne sera l'époque de ces luttes formidables qui mettront en péril le salut même des prédestinés. Comme toutes les grandes époques du mal, il finira par une action directe et souveraine de Dieu.

Celui à qui toute puissance a été donnée au ciel et sur la terre, viendra au secours de la vérité ; et, après avoir tué l'homme de péché du souffle de Sa bouche, Il emportera avec Lui l'Eglise, Son épouse, dans le séjour de la paix éternelle. Ainsi finira le monde. Quoi qu'il en soit de ces alternatives, une chose demeure incontestable. Au milieu des perplexités du présent et des incertitudes de l'avenir, de graves devoirs sont imposés aux catholiques

 

 

  

 Mgr Jean-Joseph GAUME

 La Situation

 Extrait de la lettre X,  en date de 1860.

 

 

 

 

Bref commentaire:    

Nous pouvons observer avec stupéfaction la clairvoyance manifestée par cet éminent auteur du 19ième siècle, et l'exactitude de ses prévisions formulées il y a un siècle et demi. Admirons sa sincérité,  si déconcertante aujourd'hui qu'elle serait  inconcevable en notre époque,  comme aussi le caractère impacable des analyses qu'il expose tant dans leurs principes, comme en toutes leurs conséquences morales sociales politiques. Ces dernières se sont étalées dès la fin du 19ième siècle; elles se sont amplifiées durant tout le 20ième siècl, et elles atteignent au début du 21ième siècle une lulgubre apothéose.  Si nous demeurons confondus chez Mrg Gaume, devant une telle perspicacité historique et anthropologique, fruit de son authentique et profonde culture classique, elle révèle aussi son affranchissement des ukases philosophiques de Lumières et surtout une intelligence de "la situation"   qui doit surtout à la prondeur et la réalité inimitables de sa Foi catholique. Cette intelligence est frappée au coin de la Vie surnaturelle.

 

     J.C.  

 

 

 

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27 avril 2011 3 27 /04 /avril /2011 23:29

 

 

 

  

Et puis, n'est-il pas nécessaire que la Mère des héros, l'Eglise catholique, montre à tous les siècles son éternelle fécondité ? Ne faut-il pas qu'elle fasse pâlir toutes les fausses vertus , devant les vertus de ses enfants ? Qui accomplira ces miracles, sinon la souffrance des bons ? Aujourd'hui plus que jamais ces miracles ne sont-ils pas nécessaires ? Quand, avec l'oeil de la foi, nous considérons la face du monde chrétien, qu'apercevons-nous ?

 

 

Des millions d'âmes baptisées qui vivent, comme si elles ne l'étaient pas : d'autres millions de demi chrétiens dont la tiédeur provoque le dégoût ; race dégénérée, à la foi languissante, au zèle attiédi, aux moeurs amollies, aux pensées frivoles, aux habitudes sensuelles et égoïstes; roseaux fluctuants à tous les vents des tentations de l'esprit et du coeur ; boiteux éternels qui ont toujours un pied dans le bien et l'autre dans le mal ; au milieu de tout cela, à peine unpetit nombre de chrétiens vraiment dignes de ce grand nom.

 

 

Etait-ce donc la peine que le Fils de Dieu descendît du ciel et répandît Son sang, pour obtenir un pareil résultat ?

A ce spectacle un ennui mortel saisit le coeur. La vie vous pèse et on aspire, ou à sortir du monde, ou à voir renouveler la face de la terre. A la tribulation est réservé ce prodige. Comme la foudre déchire la nue,

 

 

l'épreuve déchire le linceul d'indifférence dans lequel le chrétien est enveloppé. Elle réveille les endormis, elle ressuscite les morts . Les préoccupations terrestres, l'amour du luxe et du bien-être, toute cette fascination de la bagatelle qui amuse, qui séduit et qui perd, fait place à de graves pensées. Le chrétien rentre en lui-même ; et tels se seraient perdus dans le calme de

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On nous écrit de Londres, qu'en ce moment les protestants anglais battent des mains, à chaque nouvelle humiliation de l'Église romaine.

Qu'ils se tranquillisent, il n'en arrivera jamais autant à la leur. Pauvres gens! qui ne savent même plus lire la Bible et qui se

réjouissent de ce qui fait notre gloire et leur honte. N'est-il pas écrit que le Christ doit souffrir pour entrer dans Sa gloire ? Ici-bas la

véritable Église n'est-elle pas la personne continuée de Jésus-Christ ? Peut-elle arriver au terme de son pèlerinage, autrement que par les persécutions ?

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la paix, qui se sauvent par les dangers, les privations et les fatigues de la guerre.

C'est alors que les âmes se retrempent et qu'on voit apparaître des hommes d'une vertu héroïque 

, qui servent de modèles   aux générations futures et de démonstration vivante à la vérité de l'Eglise catholique . Il en fut ainsi à toutes les époques : la nôtre ne fait pas exception. Sans la persécution dirigée contre le Saint-Siège, le monde aurait-il été témoin d'un des plus beaux spectacles qu'il ait jamais contemplés ?

De nouveaux Machabées, à la fleur de l'âge, se levant pour défendre la terre sacrée d'Israël ; abandonnant leur famille

et leur patrie, renonçant à toutes les espérances d'ici-bas ; luttant, malgré leur petit nombre, contre des forces écrasantes, et, bien qu'assassinés et trahis, faisant des prodiges de valeur, jusqu'à ce que, tombant en héros, ils honorent l'Eglise et l'humanité elle-même, par une mort plus glorieuse que leur vie : est-il un coeur si froid qui n'ait battu à ce spectacle ? Ah ! en même temps qu'ils rendent fier d'être catholique, de pareils miracles consolent de bien des douleurs.

Vous craignez les défections : elles sont tristes sans doute. Néanmoins elles ont aussi leur côté consolant

. Ecoutons nos ancêtres. «L'Eglise est une aire, dit saint Chrysostome. Là, nous devons être battus et vannés. Quand le grain est plein, il sort de son enveloppe dès qu'il est légèrement battu. S'il est petit et maigre, il en sort plus difficilement. Vide, il n'en sort pas du tout; il reste dans l'enveloppe pour être jeté au feu avec la paille. Ainsi tous les hommes sont renfermés dans leurs affections terrestres comme dans de la paille.

 

Celui qui est sincèrement vertueux, à la moindre tribulation sort de ses affections grossières et se porte vers Dieu.

S'il est un peu infidèle, il ne le fait qu'après de grandes tribulations.

S'il est tout à fait infidèle et vide, on a beau le battre : il ne quitte pas sa vie coupable et finit par être jeté hors de

l'aire avec les infidèles». (In Matth., c. III). La   séparation des vrais et des faux chrétiens nous importe beaucoup plus, que le triage du bon et du mauvais grain n'importe au laboureur. En rejetant du sein de l'Eglise les membres qui la déshonorent, elle fait taire les méchants et éloigne du bercail les brebis galeuses  

qui pouvaient infecter les bonnes. Quant aux vrais justes, la persécution en fait tomber beaucoup moins qu'on ne pense.

 

 

 

Tous ceux qui paraissent justes ne le sont pas : l'épreuve manifeste la vérité . «Que personne ne croie que les bons puissent se séparer de l'Église. Personne ne se livre aux hérétiques que le pécheur. Les hérésies ont beaucoup de force contre ceux dont la foi n'est pas forte . Il est bien rare que ceux qui se seraient sauvés dans l'Église, soient entraînés par l'épreuve jusqu'à périr hors de l'Église». Ainsi parlent, d'après leur expérience personnelle, saint Cyprien, Tertullien, saint Augustin (De unit. Eccl., Proescript c. II ; De ver. Relig., C. VIII, et Ps. X).

 

Il est donc faux que beaucoup de ceux qui se seraient sauvés sans la persécution,

se perdent dans la persécution.  Ordinairement la persécution surprend l'Église dans le temps où les moeurs

des catholiques sont si mauvaises, qu'un petit nombre se sauveraient en restant dans l'Église (Muzarelli,  

Tribul. de l'Église , p. 18).

  

 Mgr Jean Joseph GAUME,

 

La Situation, 1860

Extrait de la  lettre XV en date du 23 novembre 1860. 

 

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